FRANTZ BERGEVIN-JEAN

Ordre du mérite

L’alUMni se réjouit de rendre hommage à Frantz Bergevin-Jean (B.A., majeure en information-communication 2001) qui par sa détermination, sa persévérance et sa ténacité a réussi à s’illustrer et à se hisser dans les plus hautes sphères de sa profession d’entraîneur sportif. Les valeurs qu’il incarne font de lui un modèle à suivre, non seulement pour nos jeunes athlètes, mais aussi pour celles et ceux qui poursuivent un rêve. Entraîneur des gardiens de but du Lightning de Tampa Bay de la Ligue nationale de hockey, Frantz Bergevin-Jean a réalisé un exploit exceptionnel en décrochant deux coupes Stanley d’affilée, une véritable consécration professionnelle. Ardent défenseur de la diversité et de l’inclusion au sein de la communauté sportive, cet ancien Aigle Bleu est aussi un mentor recherché et une personne engagée qui transmet sa passion à de nombreux jeunes athlètes et entraîneurs par l’entremise de programmes de formation et de camps sportifs qu’il anime au Nouveau-Brunswick et à l’échelle nationale et internationale.

Félicitations pour ce rare exploit que vous avez réalisé, en juillet dernier, en remportant la Coupe Stanley pour une seconde année d’affilée. Qu’est-ce que ces moments de gloire représentent pour vous?

Ces deux victoires de la Coupe Stanley constituent pour moi l’aboutissement de 40 ans de travail soutenu. Quarante années à pousser dans une même direction contre vents et marées – parfois avec un sentiment de doute, souvent avec la certitude d’être sur la bonne voie. Puis, un jour, on te met la Coupe Stanley entre les mains et on te dit que tu l’as méritée. C’est indescriptible. Voir ton nom immortalisé sur ce trophée légendaire, c’est une chance inouïe. C’est l’accomplissement d’un projet de vie, pas juste pour moi, mais aussi pour mes parents, mon épouse et mon fils qui ont été à mes côtés pour m’appuyer. L’obtention de la Coupe Stanley est aussi venue confirmer que les valeurs qui m’ont guidé, tout au long de mon parcours, étaient les bonnes.

Vous êtes arrivé à l’Université de Moncton en 1992 avec une bourse de leadership et vous avez joint l’équipe de hockey des Aigles Bleus. Que connaissiez-vous de l’Acadie et de Moncton à l’époque?

Lorsque je suis arrivé à l’Université de Moncton en janvier 1992, je ne connaissais pas un joueur dans l’équipe des Aigles Bleus, sauf Denis LeBlanc qui avait été un coéquipier dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec. J’arrivais en territoire inconnu, mais je savais que j’étais au bon endroit.

J’aime raconter comment j’ai appris l’existence des Aigles Bleus de l’Université de Moncton. Mars 1990, je vis à Mont-Royal au Québec. Un dimanche, j’allume la télé sur une chaîne sportive et les Aigles Bleus jouent en finale du Championnat canadien de hockey universitaire contre les Golden Hawks de l’Université Wilfrid Laurier. C’est la surprise totale d’apprendre qu’il y a une université francophone à l’extérieur du Québec. Je vois tous ces noms francophones défiler devant moi. Le Bleu et Or, le drapeau acadien qui flottent dans les estrades de l’aréna Varsity de Toronto. Cela produit sur moi une vive impression. Et en plus, les Aigles sortent grand victorieux du championnat.

Septembre 1991, je participe au camp du Canadien de Montréal et je rencontre Rick Poirier, un joueur de l’Université St. Thomas, qui m’informe que les Aigles Bleus cherchent un gardien de but pour janvier et qu’il a suggéré mon nom. Quelques semaines plus tard, je reçois un appel de l’entraîneur-chef des Aigles Bleus, Len Doucet – un appel qui allait changer mon destin. Même si j’avais aussi reçu une invitation de l’Université Concordia et de l’Université McGill, j’ai posé mon choix sur l’Université de Moncton dans un désir de vivre une nouvelle aventure, de me plonger dans une nouvelle culture, d’élargir mes horizons.

Quelle a été l’incidence de l’Université de Moncton sur votre trajectoire personnelle et professionnelle?

L’incidence a été immense. C’est à l’Université de Moncton que j’ai véritablement pris confiance en mes moyens. Le fait d’avoir été joueur étoile en 1992-93 m’a fait prendre conscience que je pouvais vraiment changer la donne. On n’était peut-être pas l’équipe avec le plus de ressources, mais j’ai compris que quand on poursuit des objectifs communs et qu’on est là pour les bonnes raisons, on peut accomplir n’importe quoi. C’est quelque chose qui m’a suivi tout au long de ma vie dans différents contextes.

Comment décririez-vous vos années à l’Université de Moncton?

Qu’est-ce que cela vous fait de recevoir l’Ordre du mérite de l’Université de Moncton?

C’est un grand honneur pour moi de figurer sur la liste impressionnante des récipiendaires de cette reconnaissance. Recevoir l’Ordre du mérite, pour moi qui ne suis pas né au Nouveau-Brunswick, bien que je me considère comme Acadien d’adoption, revêt une signification particulière. Cela confirme que la communauté universitaire et la communauté acadienne me considèrent comme l’un des leurs et je suis très touché par ce geste. J’éprouve aussi une grande fierté d’être la première personne issue d’une minorité visible à recevoir ce prix. Cela démontre une ouverture qui doit continuer à se faire.

« C’est à l’Université de Moncton que j’ai véritablement pris confiance en mes moyens. Le fait d’avoir été joueur étoile en 1992-93 m’a fait prendre conscience que je pouvais vraiment changer la donne. On n’était peut-être pas l’équipe avec le plus de ressources, mais j’ai compris que quand on poursuit des objectifs communs et qu’on est là pour les bonnes raisons, on peut accomplir n’importe quoi. C’est quelque chose qui m’a suivi tout au long de ma vie dans différents contextes. »

Frantz Bergevin-Jean

De quelles façons votre formation universitaire en communication et vos expériences professionnelles en relations publiques vous ont-elles aidé à naviguer dans votre carrière au hockey professionnel?

Le fait que j’aie travaillé en relations publiques, en marketing et en organisation d’événements au début de ma vie professionnelle s’est avéré très bénéfique pour ma carrière dans la Ligue nationale de hockey à plusieurs égards. Les habiletés que j’ai perfectionnées me sont très utiles dans mes relations avec les médias, mais aussi dans mes relations interpersonnelles avec différents auditoires.

Je dirais aussi que ma formation et mes expériences en communication m’ont appris à acquérir une rigueur pour défendre mes convictions et exprimer mes points de vue avec des arguments convaincants et solides. C’est important dans mon milieu. Par ailleurs, à l’image du secteur des communications, le monde dans lequel j’évolue exige une grande capacité d’adaptation et une mentalité de croissance, sinon tu stagnes.

La diversité et l’inclusion dans le sport, tant amateur que professionnel, sont des valeurs que vous défendez ardemment. La situation s’améliore-t-elle? Quels constats faites-vous?

La situation s’améliore fort heureusement, car quand j’étais jeune les seules fois où je voyais des personnes issues de minorités visibles dans les médias, c’était dans une optique négative, teintée de stéréotypes.

La vision positive d’un homme de couleur, c’est mon père qui me l’a offerte. Un homme d’une grande bonté et très respecté. Dans l’univers du sport, je n’avais pas beaucoup de modèles. Certains athlètes se démarquaient sur la scène internationale, mais le succès était toujours accompagné de doutes relatifs au dopage. C’était très rarement juste du positif. Quand tu es un jeune garçon de couleur, ce sont des choses que tu remarques et qui influencent la confiance en soi.

En 2020, il y a plus de minorités visibles qui réussissent, qui inspirent et qui deviennent des modèles positifs. Les tribunes pour faire rayonner ces histoires à succès sont plus nombreuses. La puissance des mouvements de masse comme Black Lives Matter a des retombées positives. Tout cela est très encourageant.

Est-ce que vous vous sentez une responsabilité particulière à cet égard pour créer un milieu sportif exempt de discrimination et de racisme?

Cela n’a jamais été un objectif conscient chez moi, mais au fil des années je commence à saisir à quel point il m’incombe de présenter une image positive aux membres des minorités visibles. Je ne me suis jamais perçu comme un modèle, mais je dois me rendre à l’évidence que mes réussites professionnelles sont une source d’inspiration pour de jeunes athlètes de diverses cultures. Le succès s’accompagne des responsabilités. Lors du passage de la Coupe Stanley à Moncton, un jeune hockeyeur d’origine africaine et sa mère sont venus m’exprimer leur fierté et chaque fois ce genre de témoignage m’émeut beaucoup.

Vous avez une vie professionnelle fort bien remplie au sein de la LNH, pourtant vous trouvez du temps pour redonner à la communauté en offrant des camps et des cliniques aux athlètes et aux entraîneurs du hockey mineur. Pourquoi est-ce important pour vous?

C’est important parce qu’en grandissant il y a eu des personnes qui m’ont aidé et qui m’ont transmis leurs connaissances, et je leur en suis très reconnaissant. Je crois beaucoup au mentorat. Je pense que c’est une façon extraordinaire de préparer la relève. Je crois en l’importance de redonner au suivant et je souhaite à mon tour exercer une influence positive sur le parcours de jeunes athlètes. Cela me nourrit beaucoup. Mon objectif consiste à les aider à maximiser leur potentiel, à devenir la meilleure version d’eux-mêmes. Cela me procure une grande fierté.

Vous évoluez depuis 11 ans auprès du Lightnings de Tampa Bay et vous avez atteint les plus hauts sommets. Que peut-on vous souhaiter pour la suite des choses?

Le souhait que j’ai c’est de continuer à croître comme personne et comme entraîneur. Les 11 dernières années ont passé en un clin d’œil. Comme entraîneur, l’objectif ultime est toujours de remporter le championnat, mais il demeure important que j’aie des défis stimulants qui me poussent à me surpasser et que j’éprouve du plaisir à effectuer mon travail. Si ces conditions sont réunies, tout est possible!

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