Stéphanie Chouinard Ph.D.

PRIX ÉMERGENCE

Stéphanie Chouinard, Ph.D.

B. Sc. sociales – spécialisation en science politique 2008
Lauréate du prix Émergence 2019


Stéphanie Chouinard est une figure montante de la recherche au Canada sur les politiques linguistiques, les droits des minorités linguistiques et des Autochtones, et le rapport entre droit et politique. Originaire de Terre-Neuve-et-Labrador, la trajectoire académique et l’engagement social de Stéphanie Chouinard envers l’épanouissement des communautés francophones en situation minoritaire sont notoires. Elle est l’auteure de nombreuses publications dans ces domaines.


Stéphanie Chouinard est professeure adjointe de science politique au Collège militaire royal de Kingston et à l’Université Queen’s. En plus de son baccalauréat ès sciences sociales de l'Université de Moncton, elle est titulaire d’une maîtrise et d’un doctorat de l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa. Elle a également été chercheuse postdoctorale à la Faculté de droit de l’Université de Montréal ainsi que chercheuse invitée au Centre for Canadian Studies de l’Université d’Édimbourg.

Que représente pour vous cet honneur que vous rend l’Université de Moncton?

C’est une très belle reconnaissance de mon parcours, et une belle surprise, que L’alUMni me décerne ce prix. J’ai quitté l’Université de Moncton il y a maintenant plus de dix ans et ça me touche beaucoup de savoir que mon alma mater souhaite souligner mes accomplissements depuis mon départ.

Vous avez un parcours remarquable. Qu’est-ce qui vous motive, vous pousse à vous dépasser?

J’aime quand les choses bougent. Même avant d’arriver à l’Université de Moncton j’étais déjà très active au sein de ma collectivité à Terre‑Neuve‑et‑Labrador. C’est un peu de là d’ailleurs que mes intérêts de recherche se sont développés et ont pris racine. Mon engagement communautaire et universitaire m’a beaucoup nourrie et motivée. J’ai constaté qu’il était possible de changer les choses, de faire avancer des dossiers qui nous tiennent à cœur, si on est prêt à y mettre l’effort et l’énergie, surtout si on est entouré d’une bonne équipe.

Quelle a été l’incidence de votre engagement au sein de la Fédération des étudiantes et étudiants du campus de l'Université de Moncton (FÉÉCUM) sur votre cheminement professionnel?

Mon expérience à la FÉÉCUM a été marquante. Quand je suis arrivée à l’Université de Moncton, la FÉÉCUM était pour moi une sorte d’idéal à atteindre. C’était une évidence en quittant Labrador City que je voulais poursuivre mon engagement communautaire. Je suis restée active dans le réseau jeunesse au sein de la Fédération des jeunes francophones du Nouveau-Brunswick, mais la FÉÉCUM était un autre type d’engagement, plus ouvertement politique, qui m’intéressait beaucoup. Je savais que plusieurs figures politiques néo-brunswickoises importantes y avaient fait leurs armes, notamment Bernard Lord et Victor Boudreau, donc je croyais que c’était une bonne école pour apprendre à « faire de la politique ». J’ai pu me familiariser avec les rouages de la FÉÉCUM en siégeant d’abord au conseil étudiant de la Faculté des arts et des sciences sociales, ensuite en devenant membre du conseil de direction de la Fédération étudiante.

Mon passage à la FÉÉCUM comme présidente a été un apprentissage vraiment riche d’un point de vue personnel et professionnel. Les compétences que j’ai eu la chance d’y acquérir me sont encore aujourd’hui d’une grande utilité et m’ont bien préparée pour ma carrière actuelle, que ce soit le travail d’équipe, la gestion du temps, les communications et les relations avec les gouvernements et les médias, ou encore l’art de vulgariser des concepts plus complexes. D’un point de vue administratif, j’ai eu la chance de voir les dessous de la vie universitaire en siégeant au Conseil des gouverneurs. De voir l’envers de la médaille, de mieux comprendre le fonctionnement et les défis d’une université, c’est quelque chose qui m’est encore utile aujourd’hui comme professeure.

D’où vous vient cet intérêt pour les minorités linguistiques et la francophonie?
Je dirais que mon engagement au sein de ma communauté est à l’origine de mon intérêt pour ces questions. J’ai mis le doigt dans l’engrenage vers l’âge de quinze ans en étant active au sein du réseau associatif francophone de Terre-Neuve-et-Labrador.
C’est à cette époque-là que j’ai commencé à mieux comprendre le régime linguistique au Canada, l’histoire de notre pays, le système politique, les enjeux des différentes communautés, pas seulement chez nous au Labrador, mais à l’échelle nationale.
Ce que j’ignorais, c’est que les connaissances que j’accumulais sur les communautés francophones du pays et les rapports de ces dernières avec l’État seraient au cœur de mes travaux de recherche à venir.
Il faut dire aussi que j’ai eu de très bons mentors qui m’ont beaucoup encouragée tout au long de mon parcours universitaire.

Vous êtes professeure, chercheuse, une fine observatrice de la scène sociopolitique canadienne. Vous pourriez vous limiter à ces fonctions, mais vous militez. Pourquoi?

L’aspect plus militant de ce que je fais, c’est plus fort que moi. Il m'est difficile de rester muette face à des réalités comme les coupes dans les services en français du gouvernement de Doug Ford ou encore les résultats électoraux provinciaux du Nouveau-Brunswick, qui témoignent du rejet, pour une partie de la population, de la dualité linguistique canadienne.


On peut utiliser les outils de la science politique pour observer, analyser et expliquer ces phénomènes, mais la prise de position publique devant les injustices, selon moi, ça fait aussi partie de mes fonctions professorales.


Comme professeur d’université, on porte plusieurs chapeaux. Il y a l’enseignement et la recherche bien sûr, mais il y a aussi les services à la communauté. Nous, les professeurs, sommes dans une position privilégiée, notamment parce que nous sommes souvent appelés à prendre parole sur la place publique. Il me semble nécessaire d’utiliser ce privilège à bon escient pour que nos prises de position contribuent aux luttes qui sont beaucoup plus grandes que nous et qui visent à faire en sorte que la prochaine génération puisse vivre dans une meilleure société que celle que nous connaissons. Cela fait quinze ans que je milite pour une société plus égalitaire pour tous, et notamment entre les communautés linguistiques anglophone et francophone.


Mon passage à l’Université de Moncton a été un moment déterminant pour ma formation en tant que politologue, mais aussi en tant que francophone, et j’y ai acquis un bagage qui me restera pour la vie.

Vous évoluez dans un milieu professionnel encore majoritairement masculin. Avez-vous l’impression que les mentalités évoluent?

Le milieu universitaire a évolué de façon remarquable au cours des dernières décennies face à l’inclusion des femmes. Il reste des barrières systémiques. La science politique est un domaine où il y a une plus grande proportion d’hommes, mais on constate au niveau du baccalauréat qu’il y a une proportion presque égale de femmes et d'hommes. C’est une tendance qu’on observe à l’échelle du pays.


Dans mon département au Collège militaire royal, nous sommes 3 femmes sur 15 professeurs. Le milieu militaire travaille très fort pour faire une plus grande place aux femmes. Il y a vraiment des efforts et des gestes concrets. C’est encourageant. En salle de classe, qu’une jeune femme enseigne aux futurs officiers des forces armées, en soi ça fait partie du changement et j’ai la chance de pouvoir y participer.

Quel regard portez-vous sur notre francophonie canadienne?

La dernière année a été difficile, mais elle a aussi été encourageante. On a vu le déploiement très rapide d’une belle solidarité. Et pour la première fois depuis longtemps, le Québec est beaucoup plus à l’écoute de la francophonie canadienne, c’est quelque chose d’encourageant. Par contre, ce qui me désole, c’est qu’il faut qu’il y ait une menace pour que cette solidarité se déploie. On ne peut pas être indigné tout le temps. Une manifestation comme celle qui a eu lieu à Ottawa le 1ᵉʳ décembre 2018 contre les compressions francophones en Ontario, avec plus de 14 000 personnes dans les rues, ça envoie un signal très fort, mais la francophonie canadienne ne peut pas vivre que de ça. Comment faire en sorte que le dossier de la francophonie canadienne soit politique et politisé, mais pas seulement quand il y a une crise – voilà une question que je me pose.

Quelle résonnance a pour vous l’Université de Moncton?

Je me sens toujours chez moi à l’Université de Moncton. Je compte parmi mes amis les plus proches, des gens que j’ai connus grâce à mon passage ici. C’est un lieu que je vais toujours porter dans mon cœur, mais c’est aussi un formidable réseau sur lequel je bâtis encore. Plusieurs personnes qui étaient des mentors à l’époque où j’étais étudiante sont devenues des collègues.


Pour moi, l’Université de Moncton c’est beaucoup plus qu’une institution d’enseignement postsecondaire : c’est une institution qui joue un rôle primordial et déterminant pour la communauté acadienne et la francophonie canadienne. C’est une université qui nourrit sa communauté de grands espoirs et qui participe à un important projet de société.


À bien des égards, son rayonnement est plus grand que celui de certaines institutions universitaires de grande renommée en raison de sa mission unique dans l’épanouissement de la société acadienne.

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