
L’inclusion est l’affaire de tout le monde
Quand elle était enseignante-ressource spécialisée, Virginie Abat-Roy œuvrait auprès d’élèves suspendus, renvoyés ou à affections médicales à Ottawa en Ontario. Ces élèves au parcours difficile l’ont profondément marquée et l’ont inspirée à changer de carrière pour se diriger vers la recherche et l’enseignement universitaire pour faire une différence à plus grande échelle.
« J’ai réalisé que ce n’est pas en travaillant un à un avec ces élèves que je pouvais faire une réelle différence. En formant les futures et présentes personnes enseignantes, je pourrais faire une différence auprès de tous leurs futurs élèves », explique celle qui est maintenant professeure adjointe en inclusion scolaire et responsable du programme de doctorat en éducation et de maîtrise en enseignement-ressource au campus de Moncton de l’Université de Moncton.

« Avant tout, l’inclusion est une mentalité, une philosophie et un mandat de société. Il est donc important de faire de la recherche sur le terrain à ce sujet. Tout y va tellement vite qu’il est important d’avoir une meilleure compréhension de tout ça. Il doit y avoir un dialogue »
L’apport de Toulouse
Avec ses doux yeux et son pelage soyeux, Toulouse attire le regard. Cette chienne d’assistance de sept ans, un mélange de bouvier bernois et de labrador, a été formée par la Fondation Mira au Québec, une partenaire en recherche de Virginie Abat-Roy. Toulouse a été placée avec elle de façon stratégique afin d’avoir un impact significatif sur la recherche en inclusion.
Toulouse a ainsi joué un rôle instrumental dans son projet de recherche doctoral sur l’expérience en inclusion et l’accessibilité des personnes qui ont un chien guide ou d’assistance, surtout les enfants. « Toulouse m’a aidée à créer un lien de confiance. Comme j’avais un chien avec moi, les gens avaient l’impression qu’ils n’avaient pas besoin de tout m’expliquer. Dès le début, j’ai l’impression que nous avons eu des conversations plus authentiques », précise-t-elle.
La présence de Toulouse a également permis à cette chercheuse de constater elle-même la réalité vécue par les personnes avec un chien d’assistance. La toute première fois qu’elle est sortie en public avec Toulouse, une personne inconnue l’a examinée de la tête aux pieds avant de l’interpeler rudement. « T’as pas l’air handicapée ! C’est quoi ton problème ? », lui a-t-on demandé.
« J’ai été tellement choquée ! Je tenais pour acquise l’accessibilité et c’était vraiment de l’incompréhension de ma part. Ça m’a ouvert la porte à tout un monde, à toute une réalité dont je n’avais pas conscience », se rappelle-t-elle.
Sa recherche a donc exploré ces situations liées à l’accessibilité à l’aide de la méthode PhotoVoix qui permettait aux personnes participantes de partager des images de leur situation d’accessibilité au quotidien dans un groupe privé. Les gens pouvaient aussi échanger entre eux des idées, des conseils et des solutions.
En plus de publier des articles scientifiques sur ce projet, Virginie Abat-Roy examine également les possibilités devant elle pour rendre ses résultats de recherche plus accessibles à un large public. Elle mentionne notamment un site internet interactif et un livre pour enfants sur le quotidien des personnes en situation de handicap ayant un chien guide ou d’assistance.
Nouvelles pistes de recherche
Inspirée, Virginie Abat-Roy établit présentement les bases de son prochain projet de recherche avec Toulouse pour mieux comprendre l’impact et les retombées des chiens d’assistance en contexte d’intervention et d’accompagnement dans divers milieux sociaux. D’ailleurs, Toulouse l’accompagne quotidiennement à l’Université de Moncton et sa simple présence change la dynamique de classe en laissant dans son sillage des sourires et de la relaxation. « Des fois, des personnes étudiantes viennent cogner à ma porte pour demander de passer cinq minutes avec Toulouse parce qu’elles sont stressées. »
Aussi, cette chercheuse s’apprête à collecter des données pour mieux comprendre les parcours de personnes enseignantes issues de la diversité. « Il est important pour les élèves de voir des gens autour d’eux qui leur ressemblent. Avec ce projet, nous pourrons mieux comprendre les obstacles de ces personnes enseignantes pour les surmonter », explique-t-elle.
La première phase de ce projet fera circuler un questionnaire auprès des personnes étudiantes en éducation à l’Université de Moncton et du personnel enseignant dans les écoles du Nouveau-Brunswick. La deuxième phase du projet étendra ensuite la collecte de données aux autres provinces canadiennes grâce à l’appui de RÉVERBÈRE, soit le Réseau de recherche et de valorisation de la recherche sur le bien-être et la réussite en contexte de diversité, où Virginie Abat-Roy est chercheuse régulière. « Ceci nous permettra de comparer avec ce qui se passe ailleurs, d’aller chercher des pratiques gagnantes et de comprendre les obstacles qui sont systémiques pour développer des ressources », avance-t-elle.
« Nous avons besoin de tels projets pour l’inclusion, car nous avons besoin d’en parler, pas juste dans les écoles, mais à l’université aussi. L’inclusion est le rôle de tout le monde », conclut-elle.