MATHIEU LÉGER b.a. multidisciplinaire, 1998

les arts, tambour battant

Finaliste au prestigieux Prix Sobey pour les arts, l’artiste Mathieu Léger est le premier à le reconnaître : il y a une forme de connexion intemporelle entre lui et son ancêtre Jacques Léger, dit La Rosette, celui qui s’est installé en Acadie au 17e siècle. Un lien surprenant, qui se révèle à la fois dans sa plus récente exposition à Ottawa et dans le choix de ses études à l’Université de Moncton... Portrait d’un artiste qui bat la mesure d’un parcours exemplaire.

Œuvrant depuis un quart de siècle comme artiste multidisciplinaire, déjà récipiendaire des Prix Strathbutler (2021) et de la Lieutenante-gouverneure pour l’excellence dans les arts visuels (2021), Mathieu Léger essaime ses installations, ses performances et ses explorations conceptuelles (qui combinent plusieurs pratiques et médiums) dans les galeries d’art et sur la place publique du monde entier.

Originaire de Sainte-Marie-de-Kent, Mathieu Léger fit partie d’un groupe de musique avec son frère au début des années 1990 et se produisit même au désormais mythique bar étudiant Le Kacho. C’est donc naturellement qu’il choisit l’Université de Moncton et qu’il s’inscrivit au baccalauréat en musique, quelques années plus tard. Or, il découvrira au sein de l’institution d’autres sujets d’étude passionnants, qui l’incitèrent à changer son parcours en Baccalauréat ès arts multidisciplinaire, avec des cours en arts visuels et en littérature anglaise. Philosophie qu’il promeut lorsqu’on lui demande ce qu’il retient de ses années d’études.

Diplômé en 1998, Mathieu Léger a récemment retissé des liens avec son alma mater, cette fois en tant qu’artiste en résidence dans différents départements, dont celui de Génie électrique et bientôt celui de Musique. Il aimerait d’ailleurs multiplier ces collaborations entre les différents départements de l’Université, non seulement pour lui-même mais pour d’autres artistes et ainsi décloisonner les disciplines.

« Il n’en tient qu’à la personne étudiante d’aller chercher le meilleur de l’institution et de l’expérience universitaire. Quitte à se créer un parcours unique! Moi-même, je me suis composé une espère de ‘cours classique’. L’Université de Moncton m’aura permis d’explorer et de faire des rencontres déterminantes. »

Il faut dire que Mathieu Léger se définit comme un artiste en résidence « en série ». Il a ainsi effectué des résidences de création dans sept pays et dans huit provinces canadiennes. Plusieurs fois boursier du Conseil des arts du Nouveau-Brunswick et du Conseil des arts du Canada, Mathieu Léger privilégie en particulier les résidences de longue durée, sur cinq, dix, vingt ans… Par exemple, il effectue, depuis 2012 et jusqu’en 2032, une résidence au Musée du Nouveau-Brunswick pour accompagner des scientifiques dans l’étude des écosystèmes.

Mathieu Léger, La distance entre nous, performance et installation, 2015

Mathieu Léger crée des œuvres d’une grande rigueur mais non dénuées d’humour, multipliant les approches, les angles et les déclinaisons, explorant par exemple les gestes et les traces que ceux-ci laissent dans leurs moindres détails. Prenons sa performance La distance entre nous, débutée en 2015. Cette œuvre est à la fois une exploration des espaces urbains et une réflexion sur la relation à autrui. Utilisant des cartes en papier qu’il perce d’une aiguille, il relie les minuscules trous pour créer un trajet inédit qu’il se propose d’explorer en marchant avec une personne participante. En marchant, on tombe par hasard sur des lieux inattendus et on crée une nouvelle relation aux lieux, à ce qui les sépare et à ce qu’ils évoquent pour nous.

Dans sa plus récente installation, celle qui est exposée jusqu’au 6 avril 2025 avec les autres finalistes du Prix Sobey au Musée des Beaux-Arts du Canada à Ottawa, les objets se déploient comme autant d’instants, d’incarnations et de résultats d’un geste précis qu’il pose. Œuvre protéiforme intitulée Performer l’acte qui crée la trace, qui produit le son, Mathieu Léger propose d’explorer avec lui les différentes déclinaisons d’un entraînement à la batterie militaire auquel il s’est astreint.

À la base, l’idée est celle-ci : plus le geste est répété, plus grande en est la maîtrise, et donc plus les coups de baguettes devraient percuter au même endroit. L’œuvre incorpore entre autres du son, de la vidéo, des estampes produites en collaboration avec Jennifer Bélanger (artiste et professeure à l’Université de Moncton), des feuilles de papier sur lesquelles il frappait la baguette à répétition jusqu’à l’obtention d’un « dessin » de bosses dans la fibre, des baguettes à percussions coulées dans le bronze, ainsi qu’une batterie complète au centre de la pièce.

Tout ce que fait Mathieu Léger est rempli de sens. Conscient d’une coïncidence, Mathieu Léger a fait figurer ses armoiries familiales sur la peau de la grande caisse de résonance de cette batterie : un clin d’œil à son aïeul, le pionnier acadien Jacques Léger dit La Rosette, qui était soldat-tambour pour l’armée coloniale française. Une destinée familiale sous le signe de la musique… jusque dans le choix de ses études en musique à l’Université de Moncton d’ailleurs !

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