Bien caché dans les confins du sous-sol de la Bibliothèque Champlain...

sur le campus de Moncton de l’Université de Moncton, un peu à l’écart comme on imagine souvent les archives et les antiquités, le Centre d’études acadiennes Anselme-Chiasson (CEAAC) regorge de renseignements sur l’Acadie. Des locaux aménagés pour faire découvrir l’Acadie, peu importe la période favorisée ou le sujet privilégié. Bien que le Centre soit associé à l’ancien et à la poussière, c’est le dynamisme et la sagesse de 50 ans de recherches acadiennes émanant de son coeur, qui se retrouvent dans la réserve de documents entreposés et classés par des archivistes professionnels, et ce, pour le grand plaisir des chercheuses et des chercheurs.


Chaque jour, des chercheuses et des chercheurs de toutes générations se réunissent dans la salle de consultation du Centre pour dépouiller des documents de toutes sortes, tels de vrais détectives, afin de compléter leur arbre généalogique, de terminer leur thèse ou d’inspirer leur art. De plus, on les retrouve collaborant sur différents projets de recherches.


Les archivistes sont à la disposition des équipes de recherche pour initier les novices ou encore orienter les habitués. Au Centre, on vient consulter les registres de paroisses pour confirmer une date de naissance ou encore consulter le journal L’Évangeline, afin d’attester un moment dans l’histoire. En plus d’être au service de la communauté scientifique, les archivistes passent des heures à organiser les documents, gants blancs aux mains, ils cotent et répertorient des centaines de photos afin d’en assurer la conservation. Ce quotidien qui se répète au CEAAC n’est pas anodin. Chaque jour, on place un morceau du grand casse-tête de l’histoire acadienne.

Les archives acadiennes ne sont pas nées du jour au lendemain. C’est à l’époque du Collège Saint-Joseph de Memramcook que se préparent les bases sur lesquelles sera fondé le plus grand centre de documentation sur l’Acadie. Grâce à l’acquisition des archives de Placide Gaudet, la collection de manuscrits acadiens est lancée. Ce fonds d’archives, portant la cote numéro 1, est le plus volumineux du Centre; comptant plus d’une centaine de boîtes, il regorge de trésors documentaires pour l’Acadie. Encore de nos jours, ce fonds est consulté régulièrement. Après 50 ans d’existence, le CEAAC compte près de 1 600 fonds d’archives.

La création d’un centre d’études dédiées exclusivement à l’Acadie était le rêve du père Clément Cormier, c.s.c., rêve qui se réalise depuis maintenant 50 ans. Le père Clément Cormier est non seulement le recteur fondateur de l’Université de Moncton, il est aussi le fondateur du Centre d’études acadiennes, alors appelé les Archives acadiennes. C’est la vision du père Clément que le CEAAC perpétue aujourd’hui en plus de conserver l’oeuvre de ce dernier et les archives institutionnelles de l’Université de Moncton.

Le père Anselme Chiasson, folkloriste, est l’homme derrière la collection d’archives de Folklore du Centre d’études acadiennes qui porte aujourd’hui son nom. Ayant été directeur de l’institution, le Père Anselme Chiasson est la personne à laquelle on doit la plus grande collection d’archives de Folklore acadien, riche de plus de 1 400 collections.

Muriel Kent-Roy devient directrice des Archives acadiennes en 1971. Femme investie dans l’épanouissement de la culture acadienne, elle y dirige le Centre des archives acadiennes pendant une décennie tout en assurant la sauvegarde du Monument-Lefebvre à Memramcook et en participant au Comité consultatif acadien de Grand-Pré pour Parcs Canada. Démographe passionnée, elle participe à plusieurs enquêtes, dont celle des expropriés du parc Kouchibouguac, où elle est coprésidente. En raison de son intérêt pour l’Acadie, Muriel Kent-Roy a fait avancer la cause acadienne par ses recherches démographiques et ses efforts militants pour le patrimoine acadien.

Régis Brun, homme de grande passion au flair indéniable pour repérer les documents d’archives, a laissé un legs important au CEAAC aux fins de pérennité.


Toute personne qui a fréquenté le Centre d’études acadiennes se souvient du chercheur, travaillant à la lueur de la machine à microfilms, occupé à répertorier quelque sorte de recherche mythique pour trouver de l’information sur Joseph Guéguen ou la Marie Comeau, étudiant l’industrie du homard ou alors retrouvant les habitants de l ’ancienne Acadie. Les historiennes, les historiens et les archivistes s’inspirent toujours de l’oeuvre de Régis Brun pour consigner leurs recherches sur l’Acadie.

On ne peut parler de pionniers des recherches acadiennes sans évoquer le généalogiste Stephen White. Mentionnez votre patronyme à Monsieur White et il vous énumérera votre lignée généalogique. Célèbre pour la rédaction du Dictionnaire généalogique des familles acadiennes, véritable bible des généalogistes, monsieur White est une véritable encyclopédie ambulante que des gens de tous les coins du globe consultent. Le CEAAC est donc un endroit incontournable pour compléter votre arbre généalogique.

Dépoussiérer
les trésors acadiens

Les gens ne saisissent peut-être pas l’ampleur de ce qui fut conservé depuis le tout début du Centre par les archivistes, chercheuses et chercheurs, généalogistes et bibliothécaires qui y ont travaillé. Cachés du regard du public, non pas parce que les archives acadiennes sont défendues, mais bien parce qu’il faut les conserver pour la postérité et pour préserver la mémoire acadienne, ces documents classés dans des contenants antiacides, et loin des rayons du soleil et de l’humidité, sont facilement détectés par les archivistes dans le grand entrepôt du Centre. Bien qu’à première vue tout se ressemble, c’est en raison du labeur des 50 dernières années par toutes ces personnes que l’on a pu repérer les trésors recherchés. Les archivistes du Centre sont des experts qui connaissent les collections, car ils y ont travaillé d’arrache-pied au fil des ans.


Cinq cents ans d’histoire débutent avec le plus ancien document daté du Centre d’études, soit une carte géographique du cartographe italien Giovanni Battista Ramusio. Cette image de grande valeur représente la Nouvelle-France en 1556; le dessin est impressionnant pour l’époque et nous permet de répertorier la géographie de l’Acadie bien avant que ne soient utilisés tous les procédés que nous connaissons aujourd’hui. Il est impressionnant qu’un document ait survécu au passage du temps, pour se retrouver aujourd’hui entre nos mains.

Carte géographique du cartographe

Giovanni Battista Ramusio datant de 1556


Les archives qui attirent le plus les généalogistes sont certainement les registres de paroisses. Bien que ces derniers soient en grande partie des copies ou des microfilms pour préserver leur état, ils permettent aux personnes qui mènent des recherches de compléter leurs arbres généalogiques, ajoutant les renseignements inscrits à l’époque par le curé de la paroisse.

Évangéline, personnage emblématique de l’Acadie lors de la déportation, est représentée de façon prédominante dans la bibliothèque du CEAAC. Au total, 140 différentes éditions du poème de Longfellow se retrouvent alignées sur les tablettes de la bibliothèque du Centre, dont une version écrite en japonais. Bien que le personnage de Longfellow soit fictif, il demeure un incontournable de la culture acadienne.

En plus de l’oeuvre littéraire, soit une seconde allusion au personnage, le journal acadien L’Évangéline compose une partie convoitée de la collection du Centre d’études acadiennes. Le journal L’Évangéline est une source précieuse d’information pour quiconque veut décrire la société acadienne à partir de 1949. Le quotidien acadien regorge de renseignements sur les petites municipalités acadiennes tout comme il relate les faits des débats de l’élite. Conservé en format original ainsi que sur microfilm, le quotidien est une source que les chercheuses et les chercheurs consultent souvent pour expliquer un évènement ou son contexte en Acadie.

Bien avant l’informatisation des systèmes gouvernementaux, les concessions des terres étaient beaucoup plus officielles. On retrouve sur ces parchemins une calligraphie impeccable à laquelle est attaché un sceau de cire ou de cuir, garant de l’authenticité de documents. Bien qu’ils soient de réelles oeuvres d’art, ils permettent aussi de consigner les transactions immobilières passées et de retrouver les propriétaires de propriétés particulières.

Le fonds du Collège Saint-Joseph, pilier de l’histoire de l’Acadie moderne, constitue une grande partie du fonds institutionnel de l’Université de Moncton. Ce dernier est composé de tous les documents produits et reçus pour assurer la bonne évolution de l’Université de Moncton et avant la création officielle de celle-ci, ceux du Collège Saint-Joseph. On y retrouve d’innombrables procès-verbaux de réunions, toutes les décisions prises par l’administration de l’Université, les dossiers d’étudiants du Collège Saint-Joseph, des centaines de plans de cours et des photographies.

Le Centre d’études acadiennes Anselme-Chiasson est le gardien de bien des trésors, parmi ceux-ci, la collection de manuscrits de l’écrivaine acadienne Antonine Maillet. Plus de 130 manuscrits et tapuscrits des oeuvres littéraires d’Antonine Maillet, véritables biens culturels nationaux, sont précieusement conservés au CEAAC. L’oeuvre que représentent les écrits de Madame Maillet est d’une valeur inestimable pour l’Acadie et pour la Francophonie. En plus des documents manuscrits des oeuvres littéraires, le CEAAC conserve les archives privées d’Antonine Maillet. Les documents légués par Madame Maillet permettent aux chercheuses et chercheurs non seulement une analyse de l’oeuvre littéraire, mais aussi de la personnalité de cette grande dame qui a tant fait pour le rayonnement de l’Acadie par le monde.

Les archives du Centre sont constituées de documents qui répondent à toutes les recherches, peu importe le sujet, et ayant l’Acadie comme composante. Ces documents sont parfois très anciens, par exemple la carte de Ramusio, et parfois plus récents, comme les procès-verbaux de réunions de l’année dernière. Le CEAAC a pour mission de conserver tout ce qui concerne l’Acadie et qui servira aux générations futures.

Archiver les souvenirs

Les archives sont nécessaires pour attester le passé. La conservation des archives est une tâche facile lorsque nous avons des archives à portée de main. Jamais nos ancêtres n’auraient pensé que leurs correspondances ou encore quelques photographies prises sur le vif permettraient un jour d’illustrer l’Acadie et une époque. Bien sûr, nous pouvons dresser le portrait de moments maintenant révolus à partir de rapports officiels et de documents gouvernementaux, mais les documents qui nous permettent de connaître les moments simples du quotidien sont tout aussi pertinents pour étayer l’Acadie, son histoire et sa culture. Les correspondances d’un soldat de la Première Guerre mondiale écrivant à ses parents ou à sa bien-aimée et décrivant les horreurs de la guerre; la photo d’étudiantes et étudiants riant aux

éclats et prise aux cours d’été du Collège Saint-Joseph; l’album souvenir d’une jeune fille qui collectionnait les souvenirs de son quotidien presque comme un journal intime; les livres de comptes de nos ancêtres marchands, propriétaires d’entreprises, pour n’en nommer que quelques-uns, sont ces documents que nous voulons conserver et qui sont pour les chercheuses et les chercheurs d’une valeur inestimable. Les grands moments politiques ou économiques, nous en aurons toujours des preuves, mais ce sont les documents du quotidien, ceux de gens ordinaires, que les archivistes veulent conserver pour les générations futures. Le Centre d’études acadiennes, qui a pour mandat de collecter des renseignements sur l’Acadie, manifeste de l’intérêt pour les dons de ce genre de documents d’archives.

Aujourd’hui, une nouvelle génération de professionnels assure la conservation des documents relatifs à l’Acadie. Des sujets plus contemporains et multidisciplinaires intéressent cette nouvelle génération qui tout en conservant les documents anciens se questionne déjà sur le futur des archives. Comment donc préserver des documents qui n’ont jamais eu de forme physique? Comment conserver la masse de correspondances courriel envoyées quotidiennement? Ces questions ne sont pas laissées sans réponses, car on retrouve de nos jours de nouvelles techniques documentaires qui permettent d’archiver des documents numériques sans pour autant détruire leur intégrité.

Toutes ces nouvelles technologies viennent aussi révolutionner les recherches. Par exemple, en folklore, des logiciels sont conçus pour analyser les enregistrements et déceler les accents dans le langage, une technologie révolutionnaire utile non seulement aux linguistes, mais aussi aux ethnologues et folkloristes. Dans le domaine de la généalogie, l’utilisation de l’ADN afin de déterminer les souches généalogiques devient pratique courante pour les professionnels du milieu. Le Centre n’est pas laissé à l’écart de ces nouvelles technologies et travaille à devenir un centre d’archives de plus en plus moderne et à la fine pointe technologique.

Le projet prévu à la suite de la campagne de financement Évolution de l’Université de Moncton qui consiste à créer un pôle d’excellence en études acadiennes permettra au Centre d’assurer la préservation et la pleine évolution du patrimoine acadien. Grâce aux dons versés à la campagne Évolution, le Centre pourra s’actualiser aux nouvelles techniques archivistiques et moyens de conservation modernes. Le CEAAC deviendra ainsi un centre national d’archives confirmant son rôle de gardien du patrimoine acadien. En se modernisant, il sera pourvu d’installations et d’équipements ultramodernes dont on pourra se servir pour pérenniser les archives acadiennes et en faciliter la consultation. Comme tout grand centre d’archives, le CEAAC a besoin de ce qui se fait de mieux en matière de technologies afin d’améliorer le traitement, la consultation et la diffusion de ses fonds d’archives et d’initier les étudiantes et étudiants aux méthodes archivistiques actuelles. La communauté tant universitaire qu’acadienne pourra tirer parti d’infrastructures informatiques optimisées et d’outils de numérisation des fonds d’archives qui lui permettront de faire un travail et un apprentissage plus poussé.

Le Centre vise donc à outiller la société, la population étudiante et le corps professoral pour répondre aux questions qu’ils se posent sur tout ce qui est acadien, et à créer un réseau stratégique pour mieux orienter l’Acadie vers demain.