Un potentiel inexploité
Initialement intéressé par la médecine, David Joly s’est plutôt dirigé en microbiologie pour étudier les maladies des plantes au lieu de celles des êtres humains. De la culture de microorganismes à l’extraction d’ADN, les deux domaines ont certaines similarités en commun qui lui plaisaient beaucoup. Un immense potentiel de recherche l’a éventuellement mené à ses travaux sur la culture du cannabis au Centre d’innovation et de recherche sur le cannabis de l’Université de Moncton.
« En fait, on se dirige en biologie parce qu’on est curieux de comprendre comment fonctionne le monde vivant. J’ai commencé à travailler sur les maladies des plantes puisque toutes ces interactions me fascinaient. Comment certaines plantes sont-elles capables de résister à une maladie particulière, alors que la plante d’à côté y est moins susceptible? Il y a beaucoup de liens avec le monde humain », explique-t-il.
De plus, il ajoute avec une pointe d’humour que l’étude de plantes comporte moins de considérations éthiques que celles liées aux êtres humains. Ce chercheur et son équipe peuvent donc inoculer à leur aise des plants de cannabis avec diverses maladies pour étudier leur résistance.
Détenteur d’un doctorat en génomique des interactions plantes-microorganismes de l’Université Laval, David Joly est professeur au Département de biologie de l’Université de Moncton depuis 2013. Ses premiers projets de recherche ont porté sur la pomme de terre, puis le chercheur s’est tourné vers le cannabis dès 2014, soit avant la légalisation de ce dernier au Canada en octobre 2018.
La culture de plants de cannabis remonte peut-être à quelques siècles, mais peu de travaux de recherche y ont été consacrés puisque le cannabis était reconnu comme une drogue illicite. David Joly note que peu d’outils ou de ressources ont été conçus pour favoriser la culture du cannabis, contrairement aux cultures bien établies comme celles du blé, du canola ou du riz.
« En fait, le cannabis est une plante qui présente d’immenses possibilités puisque ses aspects médicinaux s’ajoutent à tout son potentiel comme drogue. Il y a évidemment tout l’aspect récréatif qui présente d’éventuels avantages économiques élevés. Il y a aussi la culture du chanvre, une variété différente de cannabis. Le chanvre est utilisé dans l’industrie du textile, du papier et de biomatériaux. On peut même produire des blocs de construction pour bâtir une maison. Les graines de chanvre comportent de plus un aspect alimentaire. Le cannabis est vraiment une plante qui, quand on la considère dans son entièreté, offre de nombreuses utilités et représente une culture à haute valeur », explique-t-il.
Le CIRC de l’Université de Moncton, un pionnier dans la recherche sur le cannabis
David Joly est l’un des membres fondateurs du CIRC de l’Université de Moncton, dont il est le directeur. Le professeur Joly est d’ailleurs l’un des premiers chercheurs à étudier les maladies qui touchent l’industrie du cannabis médical.
Le CIRC possède une licence pour la culture de cannabis en laboratoire où, dans un milieu très contrôlé, les plants sont volontairement infectés par une maladie ou encore des insectes pour en étudier leur résistance.
L’un des principaux axes de recherche de David Joly vise à réduire la présence et les effets de maladies ravageuses sur les plants, notamment le blanc (ou oïdium) et la pourriture grise.
Ce projet s’effectue en collaboration avec Organigram, un producteur de cannabis de Moncton avec qui David Joly a établi un partenariat dès les débuts du CIRC. L’équipe de recherche a étudié le génome du cannabis et a recensé deux gènes particuliers qui semblent responsables de cette susceptibilité à l’oïdium.
« Ces deux maladies sont vraiment problématiques pour les producteurs avec qui nous travaillons. »
« Nous essayons de déterminer des variétés de cannabis plus résistantes et de comprendre pourquoi elles sont résistantes. Nous essayons aussi de trouver des moyens de biocontrôle pour réduire les effets de ces maladies, car nous voulons nous y attaquer de différentes façons. »
David joly
« Maintenant, la prochaine étape consiste à trouver des variétés de plants avec des mutations dans ces gènes qui les rendent naturellement plus résistantes à la maladie. Si elles n’existent pas, nous verrons si nous pouvons introduire des mutations pour créer des variétés qui sont résistantes », avance-t-il en précisant qu’il s’agit de projets de longue haleine.
Des discussions sont en cours pour poursuivre la collaboration avec Organigram. Le CIRC mène aussi une collaboration avec Greenherb Farms, un producteur de Saint-Joseph-de-Kent au Nouveau-Brunswick. Le Centre entretient en outre des partenariats universitaires avec plusieurs institutions comme l’Université du Nouveau-Brunswick, le Collège communautaire du Nouveau-Brunswick, ainsi que l’Université Laval et l’Université de Guelph, en plus du Niagara College.